Melissa Dubbin & Aaron S. Davidson
a drusy vein
13 février – 15 mars 2014
Vernissage jeudi 13 février, 18h
Treize
"Je parle de pierres qui ont toujours couché dehors ou qui dorment dans leur gîte et la nuit des filons. Elles n'intéressent ni l'archéologue, ni l'artiste, ni le diamantaire. Personne n'en fit des palais, des statues, des bijoux (...)"
Roger Caillois, Dédicace de Pierres (Gallimard, 1966)
La pratique de Melissa Dubbin & Aaron S. Davidson, décrite comme « a mental stereo pair », puise largement dans le lexique de la géométrie du son stéréophonique et de la vision binoculaire. Ils sont les coauteurs d’un ensemble d’œuvres, entendues comme production de formes, d’objets, d’images et d’expériences, qui embrassent indifféremment la photographie, la vidéo, le son, l’installation, le dessin, la sculpture et le livre d’artistes, depuis qu’ils ont initié leur travail en commun en 1998.
Souvent traversé par la question de la matérialisation de phénomènes immatériels - comment photographier la température ou le vent (Smokescreens), comment sculpter et photographier le son (The New Noise, Echoes), comment énoncer ou rendre audible une image (the camera moves…) -, leur travail explore la manière dont le temps manifeste son empreinte (Volumes for Sound), et la manière dont les objets enregistrent, conservent et restituent souvenirs et histoires (You Love Me Truly, Fallen Books). C’est dire le primat de la narration spéculative dans des œuvres qui, depuis 2006, se sont développées sur un substrat biographique et fictionnel (Nobody Shoots a Broken Horn), ou qui les ont conduit, selon des protocoles et scripts précis, à créer au coeur de leur travail les conditions pour des projets collaboratifs (Sound Design for Future Films).
Mais c’est peut-être avec Making a Record (Diamond, Ruby, Sapphire, Emerald) que l’ensemble de ces questions s’articule de manière encore plus complexe. Le projet constitue le portrait itératif d’une gemmologue réalisé avec la matière qui fonde sa pratique : la voix de Karen L. Davidson parlant de quatre pierres a dans un premier temps été gravée par ces mêmes pierres sur quatre disques matrices réalisés par galvanoplastie. Quatre pendentifs ont ensuite été conçus en utilisant les quatre stylets de diamant, de rubis, de saphir et d’émeraude, avant d’être portés par quatre personnes (une commissaire d’exposition, un auteur, un artiste et une psychanalyste), qui à leur tour ont produit quatre textes retraçant leurs expériences respectives au contact de ces objets.
Work in progress depuis 2009, Making a Record est présenté dans ses derniers développements au Treize, parmi un canevas d’œuvres nouvelles et anciennes, faisant une large place à la matérialisation du son et à l’exploration de technologies de vision (télescope, microscope, appareil photo), aux côtés de modes plus récents de lecture et d’écriture d’images (laser).
Ni joailliers ni tailleurs de pierre, Melissa Dubbin & Aaron S. Davidson ont pourtant fait du minéral un modèle, un enjeu central de leur pratique, ce que donnera à voir leur exposition a drusy vein : une veine drusique. Masse tabulaire de cristaux tapissant une fissure longiligne dans la roche, la veine drusique est ainsi "déposée" en elle, comme dans son lit. La veine naît dans les profondeurs rocheuses mais ne se signale au regard que par la strie qu’elle laisse apparaître à la surface de la roche. La trace précède ici l’inscription. Et c’est à l’observation de cette trace discrète, qui indique l’endroit d’un potentiel trésor, que le travail de ces deux artistes nous invite.
A la fois structure et processus de sédimentation, l’exposition est rythmée par l’inclusion hebdomadaire de nouveaux travaux et événements (concert, diffusion sonore, projection, lecture, rencontre et discussions) venant modifier en permanence la nature de ce qui est montré et de ce qui est potentiellement découvert. Chaque jeudi, a drusy vein invite ainsi les visiteurs à explorer, à la façon du prospecteur, des strates successives et des registres de production afin d’en excaver du sens, des questions et surtout de nouvelles spéculations. Chaque événement devient quant à lui la formalisation possible d’une œuvre tout en étant la condition nécessaire à la reconfiguration de l’exposition elle-même.
- Maxime Guitton (commissaire de l’exposition)
Biographie :
Melissa Dubbin & Aaron S. Davidson collaborent depuis 1998. Leur travail a fait l’objet d’expositions personnelles, les plus récentes à Audio Visual Arts (AVA), New York, NY (2013) ; Henie Onstad Kunstsenter, Høvikodden, Norvège (2012) ; et Nýló, The Living Art Museum, Reykjavik, Islande (2012). Parmi leurs dernières expositions collectives, on peut citer The String and the Mirror, Lisa Cooley, New York, NY (2013) ; Alchemical, Steven Kasher Gallery, New York, NY (2013) ; Sound Spill, Zabludowicz Collection, New York, NY (2013). Leur travail a été exposé à travers le monde, en musées, galeries et centres d’art, notamment SculptureCenter, New York ; Wexner Center for the Arts, Columbus, Ohio ; Overgaden, Copenhague, Danemark ; Exit Art, New York, NY ; New Museum, New York, NY ; 2004 Gwangju Biennale, Corée ; et Moderna Museet, Stockholm, Suède. Leur travail est actuellement visible à la Pulitzer Foundation for the Arts, St. Louis, MO et à Diverse Works, Houston, TX. a drusy vein est la première exposition personnelle à Paris de Melissa Dubbin & Aaron S. Davidson.
Dubbin et Davidson résident et travaillent à New York.
Heures d’ouverture et calendrier général de l’exposition :
a drusy vein est ouverte les jeudi (18h-20h), vendredi (12h-20h) et samedi (12h-20h), et sur rendez-vous du lundi au mercredi.
Chaque semaine, une série d’inclusions (concert, diffusion sonore, projection, lecture, rencontre et discussions) vient rythmer l’exposition. Toutes les informations détaillées seront adressées par une newsletter hebdomadaire.
Jeudi 13 février (18h)
Vernissage
Jeudi 20 février (18h)
Inclusion #2
Samedi 22 février (21h)
Concert de Stine Janvin Motland
Stine Janvin Motland est une chanteuse, improvisatrice et compositrice. Son travail met en œuvre un éventail de techniques vocales qu'elle déploie dans les champs de la nouvelle musique, du théâtre et de l'improvisation. Figure centrale de la scène musicale expérimentale norvégienne, elle se produit en solo et avec les groupes VCDC et S/S Motsol. Parallèlement à ses collaborations avec C. Spencer Yeh, Chris Corsano, Lasse Marhaug, Maja Ratkje, Fred Lonberg-Holm, Nils Henrik Asheim, Frode Gjerstad, Øyvind Torvund ou encore Mats Gustafsson, elle se produit comme comédienne et chanteuse au sein de sa propre compagnie de théâtre, Brigitte & Paula Band et au sein de l'opéra pour bébés Korall Koral. Entrée : 5 €
Jeudi 27 février (18h)
Inclusion #3
Samedi 1er mars (18h)
Conversation entre Violaine Sautter, Melissa Dubbin & Aaron S. Davidson et Maxime Guitton
Violaine Sautter est géologue au Muséum national d'histoire naturelle (MNHN), directrice de recherche au CNRS, et co-investigatrice sur le Laser Chemcam embarqué sur Curiosity, le programme actuel de la NASA sur Mars. Avec la participation du Programme d'expérimentation en arts et politique (SPEAP) de Sciences Po.
Jeudi 6 mars (18h)
Inclusion #4
Samedi 8 mars (18h)
Diffusion sonore de The Anatomy of Melancholy de Rudolf Komorous (1974)
The Anatomy of Melancholy est une pièce de durée indéterminée pour bande et « tape-jockey » créée par le compositeur canadien d’origine tchèque Rudolf Komorous (né en 1931). Elle tire son origine du traité du même nom écrit en 1621 par le pasteur anglais Robert Burton, catalogue étrange des causes, symptômes, pronostics et traitements de toutes les formes de mélancolie. Basé sur un répertoire de 149 pistes de durées variables, composées pour synthétiseur Buchla, piano, orgue, clavecin, basson, cordes, field recordings, …, et enregistrées en mono, stéréo et quadriphonie, cet environnement sonore sera diffusé et spatialisé par Eric Chenaux & Maxime Guitton.
Jeudi 13 mars (18h)
Inclusion #5
Samedi 15 mars (18h)
Projection de Sound Design for Future Films (2006, 2008, 2010) & lecture d’Elina Löwensohn, comédienne
Sound Design for Future Films est un projet de Melissa Dubbin & Aaron S. Davidson qui se propose de renverser la hiérarchie et le flux de travail propres à la production de films, en prenant pour point de départ une bande-son de 2 minutes 30 réalisée pour une scène qui n’existe pas. Melissa Dubbin & Aaron S. Davidson ont pour ce faire commencé par rassembler les détails narratifs sonores nécessaires à la construction de la scène : sons décrivant des actions imaginées, qui ne soient ni dialogue ni musique. Prélevés dans des bibliothèques sonores, ils ont été composés de manière à créer une narration indirecte. La matière sonore ayant été pensée comme la ressource première utilisable par des plasticiens, la scène a alors été confiée à 20 artistes invités à créer les images manquantes. Chaque contributeur a reçu pour seule instruction de ne pas modifier la bande sonore qui leur avait été transmise. Sound Design for Future Films est une plateforme collaborative initiée en 2006, dont la troisième édition a eu lieu en 2010.
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