5 juil. 2014

hotspotVA







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Une exposition avec Lesley Anderson, Sylvain Azam, Benjamin Blaquart, Lorraine Châteaux, Clarence Guéna, Zoewend Kisgu Ilboudo, Zora Mann, Georgia René-Worms & Giuliana Zefferi, Michel Servé, after Xavier Theunis, Ulricke Theusner, Julien Ziegler.
Une proposition de Julien Bouillon et du Commissariat.
Vernissage le vendredi 27 juine 2014 de 18h à 22h.
Exposition du 28 juin au 26 juillet.
Du mercredi au samedi de 14h à 19h et sur rendez-vous.

Cadre un : Julien Bouillon enseigne depuis dix ans à la Villa Arson. Quoiqu’il n’y enseigne pas la peinture (mais « l’art en général »), il prétend qu’il aime particulièrement la peinture, — et d’ailleurs, il poursuit lui-même « un travail de peinture », entre autres. Aujourd’hui, la peinture n’est rien d’autre que l’art en général sous les espèces d’un particularisme ancien, ou bien l’art en général réinscrit sur le support d’une de ses surfaces historiques. Cadre deux : le Commissariat, et singulièrement Cyril Verde, ont voulu choisir avec Julien Bouillon une douzaine de peintres (ou « peintres ») séjournant ou ayant séjourné à la Villa Arson durant ces dix dernières années, — des étudiants, d’anciens étudiants, d’autres. Or Julien Bouillon aime bien concevoir des expositions en tant que commissaire. Cadre trois : Xavier Theunis (un ancien étudiant de la VA) propose à ses amis et connaissances de réaliser contractuellement des œuvres « à la Theunis ». Ce jeune artiste est (un peu) connu pour avoir plusieurs fois incrusté ses propres tableaux dans des parois construites ad hoc et utilisé spécialement des plans inclinés afin de biaiser le « regard sur les œuvres ». Julien Bouillon a donc décidé d’inviter Xavier Theunis à hotspotVA non pas realiter, mais en construisant dans l’espace d’exposition deux parois qui s’écartent des murs selon un angle de quelques degrés et dans lesquelles les peintures sont « enchâssées » : « à la Theunis ».

Les cadres (un, deux, trois) sont comme des guillemets ou des contrats à l’intérieur desquels sont enchâssés les éléments donnés à voir : on appelle usuellement ça une exposition. En l’occurrence, l’écart croissant ou décroissant entre la paroi-support des peintures et le mur même pourrait symboliser les plans de la qualité (d’être une peinture) et de la valeur (marchande ou symbolique : d’être n’importe quoi), qui ne se rejoignent ou ne se croisent que sur un axe, à la charnière. Ou bien, dirait-on, le plan de l’art en général décolle du plan de la peinture en particulier, ou bien encore, à fuir l’architecture orthogonale qui les porta jadis et naguère, les icônes constituent une châsse imaginaire où se perd leur valeur iconique de premier degré (elles ne sont plus icônes chacune que d’elle-même). Bien sûr, le biais « à la Theunis » ne symbolise rien d’aussi précis, ne symbolise pas : il joue plutôt comme une énigme ou une ironie à propos de la peinture, il réalise la discrète béance entre ironie et énigme qu’ouvre aujourd’hui le nom de « peinture ». De même, il s’en faut de beaucoup que les œuvres ici rassemblées sous ce nom parlent de la Villa Arson en tant qu’école : elles reforment au contraire accidentellement, au prétexte d’un site dédié à l’art contemporain et à son enseignement, une constellation de signes, si l’on veut, qui eussent été tout différents si d’autres sujets les avaient pris en d’autres lieux et sur d’autres périodes, mais dont les écarts, les lacunes, le disparate même pourraient se retrouver presque à l’identique mutatis mutandis ; car les objets de peinture sélectionnés à l’occasion de hotspotVA valent autant pour eux-mêmes que pour les rapports de divergence qui les éloignent les uns des autres. On s’amusera certes à refaire le catalogue des catégories de peinture qui s’y trouvent in nuce, en notant qu’il y a de l’abstraction géométrique, de la figuration moderniste, de l’art naïf peut-être ou telle variété de néo-expressionnisme, etc. ; mais les catégories s’obscurcissent comme s’estompent leurs frontières à mesure qu’apparaît l’étrangeté de chaque objet de peinture, soit la manière dont chacun soustrait sa variété unique à l’Idée (de la peinture). Tandis que l’Idée mortifie ce qui se collecte ou se collectionne (si peu que ce soit) en son nom comme autant de débris, chaque bloc du désastre retrouve une vie paradoxale dans la solitude où il s’enfonce ; ou tandis que les citations, les reprises et les souvenirs se dispersent le long de l’histoire de l’art, une commune valeur muséale les réunit dans le décor du bel aujourd’hui. HotspotVA a la beauté mélancolique d’un échantillonnage à trous, le poignant d’un présent encastrable et la gaîté d’avoir les mains libres et le regard en biais : anything goes !

Cadre quatre : Julien Bouillon a pensé à Joseph Mouton pour écrire un texte de présentation (celui-ci même). Or Joseph Mouton enseigne encore (l’esthétique) à la Villa Arson, où il rencontra autrefois Julien Bouillon comme étudiant.

J. M.

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